L’HISTOIRE DE
L’ENSEIGNE DU POT CASSÉ

Au XVIe siècle

Geoffroy Tory (1480-1533) est un humaniste érudit qui, de retour d’un long séjour en Italie, s’installe à Paris vers 1521 comme imprimeur-libraire « À l’enseigne du pot cassé ». Traducteur, peintre, graveur, enlumineur, en 1531, il est choisi par François Ier pour être son imprimeur officiel. Véritable innovateur en matière de typographie, il introduit dans l’édition française les lettres accentuées, l’apostrophe, la cédille ou encore le point-virgule.

Le 25 août 1522, sa fille Agnès meurt à l’âge de dix ans. Dans sa douleur, Tory compose un petit poème en latin publié le 15 février 1523, et à la fin duquel apparaît pour la première fois la fameuse « Enseigne au Pot cassé », symbole d’une vie brisée, que Tory adopte dès lors comme marque de sa librairie.

Parallèlement à sa carrière d’imprimeur, Tory publie plusieurs de ses traductions d’œuvres antiques (Tableau de Cébès, dialogues de Lucien, traités de Xénophon ou de Plutarque). Entre 1524 et 1526, il rédige son manifeste, un traité de dessin de caractères finalement publié en 1529 sous le titre Champ fleury. Au quel est contenu l’Art et Science de la deue et vraye Proportion des Lettres Attiques, qu’on dit autrement Lettres Antiques, et vulgairement Lettres Romaines proportionnees selon le Corps & Visage humain (Paris, 1529).

Tory meurt en 1533, peut-être de la peste qui sévissait alors à Paris.

Au XXe siècle

C’est en hommage à cet illustre homme de lettres comme lui libraire et imprimeur que Constantin Castéra lance en 1925 une maison d’édition située au 14 de la rue de Beaune à Paris, qui reprend le nom de celle de Tory.

Castéra publie des textes classiques rehaussés de gravures originales, en édition numérotée, sur de beaux papiers. Sa collection principale « Scripta Manent » (50 titres), est bientôt augmentée d’une autre, nommée « Antiqua » (30 titres) ; puis viennent « Lumen animi » (13 titres) et « Bibliotheca Magna » (7 titres).

Les ouvrages de la maison se caractérisent par des choix de beaux papiers de Hollande, van Gelder, Chesterfield, Bornéo, Japon, etc.), et la collaboration avec de nombreux graveurs sur bois prestigieux comme Louis Bouquet, Gio Colucci, Jean Lébédeff, Morin-Jean, Louis William Graux, Henry Chapront, Antoine François Cosyns, Pierre Noël, etc.

Pierre-André Thomi publie un ouvrage de référence de 237 pages sous le titre de À l’enseigne du Pot cassé (1925-1950), un catalogue précieux longtemps attendu par les collectionneurs et les bibliophiles, décrivant avec détails et illustrations tous les livres publiés par la fameuse maison d’éditions. On y trouve des notices détaillées comprenant le nombre et le type des illustrations, reproductions des couvertures, des dos, des frontispices, informations sur les artistes illustrateurs, index des titres, index des auteurs, table récapitulative avec le nombre d’exemplaires sur chaque papier.

Le Pot cassé résiste mal aux affres de la guerre et un incendie, en 1950, qui anéantit l’entrepôt des livres, conduit à la fin de la maison d’édition. C. Castéra s’éteint l’année suivante.

Au XXIe siècle

En 2025, l’Enseigne du Pot cassé renaît de ses cendres, avec la même ambition d’offrir à ses lecteurs des textes sur papier vergé, numérotés et illustrés de gravures originales. Aux collections du siècle dernier s’ajoute désormais « Theatrum mundi », consacrée aux théâtres du monde entier.

Grâce à un système d’impression en trois dimensions de chaque page, et à l’utilisation d’une presse sur cylindre Heidelberg KSBA, les ouvrages seront imprimés selon un procédé typographique capable de restituer le rendu historique des livres À l’enseigne du pot cassé. Dès lors, la réalisation de gravures originales prend tout son intérêt. Chaque ouvrage est ainsi confié à un artiste qui en a l’entière réalisation.

Pour maintenir l’érudition historique des volumes, chaque introduction est confiée à un spécialiste de l’auteur et du texte publié. Lorsque cela se présente, il en va de même de la traduction.

Pour chaque titre publié, un tirage de tête sur papier de grand luxe à petit tirage est complété par un tirage sur papier vergé suivant la tradition de la maison d’édition. Un petit nombre d’exemplaires hors commerce est réservé aux amis du Pot cassé.

Parmi les titres annoncés, en 2025, la Correspondance féminine (1757-1796) reçue par Casanova sera le 51e volume de la collection « Scripta Manent » tandis que les Fourberies de Scapin ouvre la nouvelle collection « Theatrum Mundi ».

En 2026, une Anthologie de poésie japonaise sera le 52e titre de « Scripta Manent » et les Pamphlets (1792-1795) de Pierre-Nicolas Réal, homme politique et juriste français sera le 14e titre de la collection « Lumen animi ».

En 2027, une nouvelle traduction des Fables et du Bestiaire de Léonard de Vinci sera le 53e titre de « Scripta Manent ». Quant à la collection « Antiqua » elle prépare l’unique titre que C. Castéra avait annoncé sans pouvoir le réaliser, à savoir les Lettres à Lucilius de Sénèque.